Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/59

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Mais tout à coup, déchirant le silence, formidablement grossi sous la voûte de roc, les enfants pétrifiés entendirent chanter :

Pic pac pan-pan,
Pac pic pan-pan,
On va rôtir des chats blancs !
Pac pic pan-pan,
Pic pac pan-pan,
Puis on croquera des enfants !

Le refrain satanique martelait de nouveau, comme tout à l’heure dans la clairière, les oreilles de Pierre et de Violette qui s’arrêtèrent éperdus. Tout au loin, à l’arrière-partie de la caverne, le souterrain s’éclairait de feux rouges, verts, jaunes. Une flamme immense embrasait la voûte de pierres mal dégrossies et les blocs informes qui çà et là obstruaient le passage du repaire maudit.

Pic pac pan-pan,
Pac pic pan-pan,
On va rôtir des chats blancs !

Horreur ! Ce sont bien les nains. Malgré la fumée, on distingue là-bas leurs détestables petites silhouettes qui dansent, qui dansent éperdument autour du brasier qu’a allumé sans doute le Diable. Ils trépignent, ils hurlent, ils se tirent la barbe en faisant des grimaces et des contorsions épouvantables. Jamais, non jamais, depuis les temps lointains de la sorcellerie, on n’a vu sur terre et sous terre pareils diablotins à face aussi méchante.

Pac pic pan-pan,
Puis on croquera des enfants !…

Pierre et Violette se regardent. Dans cette vision d’enfer, ils ont presque peur l’un de l’autre. En effet, sous un nouveau jeu de la flamme, ils ont tous deux le visage entièrement vert. Que faire ? Retourner sur ses pas ? Implorer les géants, les ogres ? Oui ! Tout plutôt que, d’être croqués par les nains à face vermeille et, sans doute, barbouillés de sang. Les enfants se traînent donc plus morts que vifs, s’en retournent, s’accrochent aux parois gluantes.

Tout à coup, une bête saute et glisse entre les jambes de Violette. C’est une couleuvre dont elle sent un moment le froid visqueux au long de son mollet.

Oh ! oui ! plutôt succomber sous la massue des géants, s’ils sont impitoyables, que de vivre ce long cauchemar.

D’ailleurs l’heure grave est proche. Des cris sauvages couvrent de leurs éclats l’aigre chanson lointaine des lutins fous. On ne les entend presque plus, ces petits anthropophages, crier « qu’ils vont croquer les enfants », tant la rumeur du dehors devient assourdissante à mesure qu’on approche de la porte d’entrée.

Violette murmure une dernière prière.