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L. ACKERMANN.

III


Éternité de l’homme, illusion ! chimère !
Mensonge de l’amour et de l’orgueil humain !
Il n’a point eu d’hier, ce fantôme éphémère,
                    Il lui faut un demain !

Pour cet éclair de vie et pour cette étincelle
Qui brûle une minute en vos cœurs étonnés,
Vous oubliez soudain la fange maternelle
                     Et vos destins bornés.

Vous échapperiez donc, ô rêveurs téméraires !
Seuls au pouvoir fatal qui détruit en créant ?
Quittez un tel espoir ; tous les limons sont frères
                    En face du néant.

Vous dites à la Nuit qui passe dans ses voiles :
« J’aime, et j’espère voir expirer tes flambeaux. »
La Nuit ne répond rien, mais demain ses étoiles
                   Luiront sur vos tombeaux.

Vous croyez que l’Amour dont l’âpre feu vous presse
A réservé pour vous sa flamme et ses rayons ;
La fleur que vous brisez soupire avec ivresse :
                    « Nous aussi nous aimons ! »

Heureux, vous aspirez la grande âme invisible
Qui remplit tout, les bois, les champs, de ses ardeurs ;
La Nature sourit, mais elle est insensible :
                   Que lui font vos bonheurs ?