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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Tu ne sais rien du mal, ses hontes ni ses ruses,
Chaste et fière, ta place est au chœur des neuf Muses,
Diotima te sourit aux Champs-Elyséens !

Vierge au cœur de héros, cygne aux blancheurs splendides,
Comme toi, que mes chants soient graves et candides !
Guide-moi, guide-moi vers les deux infinis !
Laissons les hommes fous au plaisir qui les soûle,
Que toujours, loin du monde, à l’écart de la foule,
L’ombre du Bois Sacré couvre nos fronts unis !





LE SOMMEIL DE L’AÏEULE




Depuis que l’été chaud a fait tarir la brise,
Dans le silence ému des longs après-midi,
De fatigues souvent la chère aïeule est prise,
Il tombe un grand sommeil sur son front alourdi.

Elle, dont la tendresse a guidé mon enfance,
Partageant mes chagrins, partageant ma gaîté,
Prélude solennel de la mort qui s’avance,
Je la vois s’engourdir en l’immobilité.

Dans l’antique fauteuil, auprès de la fenêtre
Assise, — la voilà qui tout à coup s’endort.
Malgré les volets clos l’ardeur du ciel pénètre,
Le soleil, à travers, jette sa traîne d’or.

Assoupi, le village est muet et paisible;
Parfois, avec lenteur, passe un char de foin mûr ;
On n’entend rien — qu’un bruit de fontaine invisible,
Et le gazouillis clair des oiseaux dans l’azur.