Page:Lemonnier - Félicien Rops, l’homme et l’artiste.djvu/231

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À quelques années de là, en 1881, un périodique bruxellois, l’Illustration belge, publia, à l’occasion du salon de Paris, cinq articles signés « Le Monsieur en habit noir ». Cet habit noir avait singulièrement de verve et d’esprit et s’en servait pour dire, à propos de l’art et des peintres, des vérités qui signalaient une réelle entente du métier.

Je crois me rappeler que l’incognito irrita la curiosité générale : il ne dura pas longtemps. On sentit s’effiler derrière le masque la moustache capitane de Félicien Rops. Lui seul avait cette joyeuse humeur et cette bonne grâce dans le trait qui égratigne et ne blesse pas à fond. Il n’aima jamais décourager les artistes chez lesquels il soupçonnait un effort sincère.

Le salonnier en habit noir d’abord se présentait :

« Malgré le « moi, haïssable », je m’accorde encore trois secondes et trois lignes pour me présenter : je ne suis pas le Monsieur en habit noir dont on trouve partout la bouche et le gilet en cœur, souple, bas d’échine, courbé comme une parenthèse devant les hommes en place, offrant aux dames des madrigaux excellents contre le retour d’âge, et que l’on prie à dîner dans tous les mondes. Je suis le Monsieur en habit noir d’Henriette Maréchal, celui qui, de son balcon à l’Opéra, dit aux gens ce qui lui plaît, sans plus s’inquiéter du froncement de nez des solennels et de l’indignation des cuistres que de ses vieux gants.

« Le public, l’éternel et immuable public, a sifflé le Monsieur en habit noir des de Goncourt. Cela leur est une gloire. Si je disais mes prières du matin, je demanderais à Dieu, comme j’aime à me trouver en belle compagnie, que ce même public m’honorât d’une égale et semblable réprobation. J’y tâcherai d’ailleurs, et je conserve l’ambitieux espoir de n’être jamais compris des foules que je porte en mépris.

« On ne peut écrire d’art, sous peine d’être accusé de voir bleu et de parler faux, que pour quelques-uns qui par sympathie d’esprit ou par des affinités