Page:Lemonnier - Félicien Rops, l’homme et l’artiste.djvu/149

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closes, très simplement, en ouvrier appliqué, il s’acharnait sur un dessin à l’atelier. Quelquefois le travail se prolongeant, il se gardait cloîtré pendant des semaines. Quand on le revoyait, il rentrait toujours de quelque point du globe. Les romans qu’aussitôt il inventait étaient merveilleux de précision : il savait tout, le détail ethnique, l’idiome, la faune et la flore, la flore surtout, qui fut pour lui une science réelle. Il allait jusqu’à montrer des croquis pris là-bas sur le vif. Sa sincérité le dupait lui-même.

La vérité, c’est que ce grand travailleur avait, au fond, la pudeur de son travail : il fut peu d’existences plus passionnément occupées à paraître l’être moins. Sa paresse était une légende parmi tant d’autres. Comme il mettait de son cerveau dans tout ce qu’il faisait, on peut dire qu’en mourant il avait vécu plusieurs vies d’homme. Cependant il laissa croire qu’il avait à peine rempli la sienne. Il la remplit plutôt à pleins bords comme une cuve où il foulait les raisins d’une vigne qui, à elle seule, fut tout un vignoble. Il fut, au double sens, un grand ouvrier de l’art et de la vie, tôt levé et qui prolongea son labeur jusqu’aux ombres du soir.