Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/343

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» Je lui parlai de repos.

» — Des jours plus calmes viendront, lui dis-je. Restez parmi nous. Vous oublierez le passé.

» — Oui, me répondit-elle, j’oublierai. Vous avez raison, Thérèse, je devrais rester ; je resterai.

» Nous parlâmes longtemps de la vie que nous mènerions ensemble : Lisbeth et Clotilde ne se quitteraient plus. C’est une si bonne chose que de revenir parmi les siens, de revivre où l’on a grandi, de reprendre ses habitudes d’autrefois, de recommencer la vie ! Pourquoi n’avait-elle pas parlé de tout cela à Lisbeth ? Elle s’en repentait. Et comment lui venait-il à la pensée de me dire à moi des choses qu’elle n’avait pas su dire à Lisbeth ? Elle s’en étonnait, riait et puis s’en attristait. Elle l’avait trouvée si au-dessus d’elle ! Elle l’exaltait ; c’était une sainte. Et puis, elle avait eu de bien grandes douleurs aussi.

» Dieu sait quelle heure de la nuit marquait la pendule quand nous pensâmes à nous coucher. Il était entendu qu’elle partagerait mon lit. Elle était si accablée que je pensais qu’elle dormirait jusqu’au matin ; mais son cœur la faisait beaucoup souffrir et elle s’agita toute la nuit, sans pouvoir trouver le sommeil.

» Le lendemain, Stéphane, ah ! quel temps ! un froid si piquant que je n’eus garde de laisser Castor plus de deux minutes à la porte de la rue. La pompe était gelée. Votre tante sortit, pourtant, parce que c’était jour de marché. Je comptais préparer un bon dîner en l’honneur de Clotilde et j’achetai, en effet, un poulet que j’emportai triomphalement à la maison.

» Clotilde était près du feu, le chapeau sur la tête, dans son manteau, et gantée.

» Elle me prit dans ses bras.

» — Ah ! Thérèse, me dit-elle, je ne puis pas. C’est