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LES DÉBUTS, LE COMITÉ

Vers le commencement de Floréal, nouvelle altercation plus vive encore. Saint-Just attaqua tous les membres du Comité qui dirigeaient les affaires de la guerre et manifesta contre eux son animosité dans les termes les plus amers. Il s’agissait cette fois des poudres et des salpêtres, c’était à mon adresse. Robespierre prit parti pour son ami et blâma la conduite de plusieurs représentants auprès des armées. Carnot répliqua avec fermeté, puis prenant l’offensive, il dévoila énergiquement les desseins ambitieux de nos accusateurs et leur reprocha des actes de cruauté. Saint-Just entra dans une fureur extrême ; il s’écria que la République était perdue si les hommes chargés de la défendre, se livraient à des récriminations de ce genre.

— C’est toi, dit-il à Carnot, qui es lié avec les ennemis des patriotes ; sache qu’il me suffirait de quelques lignes pour dresser ton acte d’accusation et te faire guillotiner dans deux jours.

— Je t’y invite, répondit froidement Carnot, je provoque contre moi toutes tes rigueurs. Je ne te crains pas ni toi, ni tes amis, vous êtes des dictateurs ridicules.

Saint-Just de plus en plus exaspéré, demanda sur-le-champ, et en présence même de son adversaire, son expulsion du Comité. C’était un arrêt de mort : témoin l’exemple de Hérault de Séchelles.

Mais Carnot se contenta de répondre avec un terrible sang-froid :

— Tu en sortiras avant moi, Saint-Just.

Puis se tournant vers Couthon et vers Robespierre.

— Triumvirs, ajouta-t-il, vous disparaîtrez.