Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/158

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élancée, s’est baissée, a ramassé le verre et le lui a remis en faisant une légère inclination de corps pleine de grâce séduisante ; puis elle a rougi un peu, a regardé du côté de la galerie, et voyant que sa mère n’avait rien vu, a paru se tranquilliser. Lorsque Groutchnitski a ouvert la bouche pour la remercier, elle était déjà loin de lui. Quelques minutes après elle est sortie de la galerie avec sa mère et l’élégant Raiëvitch et est venue passer auprès de Groutchnitski avec un air plein de décence et de retenue, sans se retourner, sans faire attention au regard plein de passion avec lequel il l’a accompagnée longtemps, tandis qu’elle descendait la montagne et glissait sous les tilleuls du boulevard. Puis tout d’un coup son chapeau a disparu au coin d’une rue. Elle a couru vers la porte d’une des jolies maisons de Piatigorsk ; derrière elle est entrée la princesse sa mère qui, du seuil de la porte, a pris congé de Raiëvitch.

Alors seulement le passionné sous-officier a remarqué ma présence.

— As-tu vu ? m’a-t-il dit en me pressant fortement la main ; c’est un ange !

— Pourquoi donc ? lui ai-je dit en prenant un air d’étonnement apparent.