Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/282

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Enfin nous atteignîmes le haut du rocher en saillis. La petite plate-forme était couverte de sable humide comme si on l’eût préparée pour un combat. Tout autour, se perdant au milieu des nuages dorés du matin, les sommets des montagnes se groupaient comme un troupeau innombrable, et l’Elborous s’élevait au sud comme une masse blanche, terminant la chaîne des cimes glacées sur lesquelles des nuages pareils à des flocons cotonneux couraient, venant de l’Orient. J’allai à l’extrémité de la plate-forme et je regardai en bas. C’est tout juste si la tête ne me tourna pas. Là, dans le fond, il faisait sombre et froid comme dans une tombe. Les pointes moussues des rochers arrachés par les orages et le temps attendaient leur proie.

La plate-forme sur laquelle nous devions nous battre formait presqu’un triangle régulier. De l’un des angles en saillie nous mesurâmes six pas et nous décidâmes que celui qui devrait subir le premier feu, se placerait à l’angle même, le dos tourné au gouffre et changerait de place avec son adversaire s’il n’était pas tué.

J’étais décidé à laisser tous les avantages à Groutchnitski ; je voulais l’éprouver. Dans son