Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/73

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malheur. Il me semblait qu’un sanglier furieuxl’avait blessé, ou que quelque Circassien l’avait entraîné dans les montagnes, mais maintenant je crois qu’il ne m’aime plus ?

— Vraiment, ma chère Béla, tu ne pouvais plus mal penser !

Elle pleura, puis relevant la tête avec fierté, elle sécha ses larmes et continua :

— S’il ne m’aime plus, qui l’empêche de me renvoyer de la maison ? je ne veux point le gêner. Mais si cela doit continuer, je partirai moi-même, je ne suis point une esclave ; je suis la fille d’un prince ?

Je tâchai de la rassurer :

— Écoute Béla, sans doute il ne peut, comme aux premiers jours, rester éternellement assis devant toi, dans ton jupon ; enfin c’est un jeune homme et il aime à courir après le gibier : Il va et vient, et si tu t’en affliges tu l’ennuieras bien plus encore.

— C’est vrai ! c’est vrai ! dit-elle, je serai gaie. Et riant aux éclats, elle prit son bouben[1] et se mit à chanter, à danser et à courir autour

  1. Espèce de tambour de basques.