Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/117

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taxe parfois écrasante. À l’heure où nous écrivons, sous le coup des désastres du phylloxera, on voit dans le sud de la France, des propriétaires qui louent leurs terres à la seule condition qu’on se charge d’en payer les impositions.

En ne prenant que la moyenne générale pour les principaux pays civilisés, on doit admettre comme un fait certain que depuis vingt ou trente ans la progression des impôts directs, particulièrement des impôts directs locaux, a été plus forte que la progression du revenu net des propriétaires.

Il nous reste à examiner un fait beaucoup plus considérable qui diminue singulièrement l’avantage apparent que le simple relevé de la plus-value en argent du revenu net des terres attribue aux propriétaires fonciers. La progression de ce revenu s’est-elle accomplie sans travail, sans dépenses ? l’ensemble des propriétaires du pays, soit de l’Angleterre, soit de la France, n’a-t-il fait aucun effort, aucun sacrifice, pour arriver à cette augmentation de revenu ? Personne n’oserait soutenir une proposition aussi déraisonnable. Chacun sait que depuis quatre-vingt-dix ans, surtout depuis trente ou quarante ans, l’aspect des campagnes est devenu tout autre qu’il n’était. Les landes ont été défrichées les terres incultes, labourées ou plantées des champs ont été convertis en prairies ; des garrigues, en vignes les bâtiments ont été refaits et agrandis ; les clôtures, les fossés, les irrigations, les drainages, les reboisements, les gazonnements, les chemins d’exploitation, ont singulièrement contribué à la plus-value du revenu net du sol. Qu’on se rappelle seulement les nombreux bills de clôture qui ont été passés en Angleterre dans le courant de ce siècle ; qu’on se souvienne des travaux gigantesques de certains lords, du duc de Sutherland, par exemple. L’Angleterre n’a pas eu le monopole de ces améliorations agricoles. M. de Laveleye décrit, dans son intéressant rapport sur l’agriculture belge, la conquête faite sur les flots de ces riches terrains que l’on appelle les polders, les plantations de pins dans les Flandres, etc. Rien que pour le drainage ce publiciste estime que depuis trente ans on a dépensé dans ce petit pays 50 millions sur 260, 000 hectares,