Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/254

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dement croissante. L’intérêt des capitaux n’est pas le plus haut dans les pays qui sont les plus riches dans ceux-ci il a tendance à baisser, on pourrait presque dire tendance à disparaître mais l’intérêt des capitaux est le plus élevé dans les pays où la richesse s’accroît le plus vite, où le champ vierge ouvert à l’activité de l’homme est le plus étendu, où l’impulsion des affaires est la plus forte. Comme une mine, une société finit par s’épuiser, non pas qu’elle se vide mais il arrive un moment où il ne reste plus beaucoup à faire dans son sein, où elle n’a plus d’œuvres très productives à entreprendre chez elle et où elle doit chercher au dehors la matière première nouvelle qu’elle peut mettre en œuvre. Aussi l’intérêt est-il toujours plus élevé dans les jeunes contrées civilisées que dans les anciennes.

C’est une croyance qui trouve beaucoup d’adhérents que l’intérêt du capital va toujours en baissant, d’où quelques personnes, Proudhon entre autres, tirent la conclusion qu’il finira par tomber à rien. C’est un raisonnement du même genre que celui qui conclurait de la faculté qu’a l’homme de réduire sa nourriture, à mesure que ses occupations deviennent plus élevées, qu’il finira par ne plus manger du tout.

Cette proposition que le taux de l’intérêt va toujours en baissant n’est pas complètement vraie ; et ce qui est complètement faux ce sont les conséquences que souvent on en tire. Les économistes les plus célèbres, Turgot, Stuart Mill, ne nous paraissent pas sous ce rapport à l’abri de critiques sérieuses.

Ce qui est incontestable c’est la tendance à la baisse du taux de l’intérêt. Trois raisons la déterminent. En premier lieu l’accroissement de la sécurité des transactions, nous parlons ici de la sécurité juridique, car il reste toujours un aléa qui provient de la malhonnêteté et des fraudes de certains emprunteurs ; il y a en outre des aléas nombreux qui tiennent à la nature de certaines entreprises. Cet accroissement de la sécurité fait que, dans la plupart des cas, la prime d’assurance, qui entrait autrefois pour une si grosse part dans le taux de l’intérêt, devient insignifiante ou absolument nulle. La seconde cause qui détermine la tendance à la baisse du taux de l’intérêt,