Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/309

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rence dans le commerce et dans l’industrie il doit en résulter une réduction des gains ou des profits. Des profits élevés ne peuvent se maintenir longtemps comme autrefois dans une branche donnée d’entreprises, à moins que la nature des choses ou diverses circonstances ne l’aient constituée en monopole de fait.

En second lieu, les qualités intellectuelles et morale qui sont nécessaires pour faire un commerçant et un industriel capables deviennent chaque jour plus répandues, du moins à un degré moyen. La diffusion de l’instruction et l’amélioration même de l’éducation font que les capacités moyennes pullulent dans un pays civilisé. Il y a beaucoup plus aujourd’hui qu’autrefois d’hommes ayant l’esprit ouvert, possédant certaines connaissances techniques, quelque entente des affaires, un certain don d’organisation ; toutes ces qualités sont dans quelque mesure devenues vulgaires. Il est rare encore de les trouver toutes concentrées à un très haut degré chez le même individu mais elles existent à un degré suffisant chez un assez grand nombre d’hommes pour que le recrutement de la classe des industriels et des commerçants soit plutôt surabondant. Il résulte encore de cette circonstance une tendance à l’abaissement des profits.

C’est un fait bien souvent signalé que les jeunes gens ayant quelque savoir trouvent plus difficilement à l’utiliser aujourd’hui qu’il y a trente ou quarante ans. Les ingénieurs qui sortent de l’École centrale des Arts et Manufactures, de celle des Mines, les contre-maîtres que forment les Écoles des Arts et métiers, font leur chemin avec plus de lenteur, et ont plus de difficulté à se faire jour, à « percer », suivant l’expression usitée. Quoi d’étonnant, puisque chaque année le personnel propre à la fondation ou à la direction des entreprises s’accroît beaucoup plus que le reste du corps de la nation ? Il y a une lutte pour la vie, une concurrence vitale infiniment plus active, plus pressée, plus infatigable dans la classe moyenne élargie que dans la classe ouvrière dont l’effectif augmente peu. L’offre des têtes, si nous pouvons ainsi parler, est beaucoup plus grande que l’offre des