Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/482

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des villes, la journée de travail ne s’élève presque jamais au-dessus de 10 heures, et souvent elle reste au-dessous. Il arrive fréquemment, surtout à Paris, que les ouvriers font réduire par des grèves la durée de la journée régulière, afin de se faire payer plus cher les heures supplémentaires qu’ils rendent ainsi presque nécessaires et pour lesquelles ils stipulent une rémunération proportionnellement plus forte. Chacun sait que l’ouvrier parisien travaille bien, vite, mais peu de temps. Nous serions étonné qu’en moyenne il fît par jour plus de 8 ou 9 heures de travail constant.

Sans aucune intervention ultérieure du législateur, du moins pour réglementer le travail des adultes, il est probable que dans peu de temps la durée de la journée, même dans les manufactures textiles, sera abaissée à 10 heures. Quelques députés ont déposé en 1879 un projet de loi pour faire appliquer cette réforme par mesure coercitive ; nous regretterions que cette loi fût votée, parce que le législateur, en intervenant au profit des adultes, sort de ses attributions naturelles et légitimes, qu’il peut ainsi être entraîné à des infractions nombreuses et regrettables. On n’a que faire d’ailleurs ici de ses règlements ; les ouvriers sont aujourd’hui socialement assez forts pour amener en peu de temps la réduction à 10 heures de la journée peut-être aussi, à l’imitation des Anglais, pourraient-ils obtenir que le samedi elle ne fût que de 8 heures, afin d’avoir un peu de temps, en dehors du dimanche, pour les diverses occupations de leur ménage et même pour leurs affaires.

Ce progrès, une fois obtenu, est suffisant. Quand l’ouvrier ne travaillera plus que 58 ou 60 heures par semaine, en ajoutant à ce chiffre, à raison de 9 heures par jour, 63 heures pour le sommeil et les repas, il restera 45 heures pour les délassements, les distractions, l’instruction, les joies et les occupations de famille, pour les affaires aussi, car l’ouvrier tient de plus en plus à n’être pas absolument détaché du monde et à avoir des intérêts en dehors de son travail professionnel. Trouver un bon emploi pour ces loisirs, c’est un problème dont l’heureuse