Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/577

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas un bien sans mélange. Sans parler des effets perturbateurs qui accompagnent la période de transition, il y a quelques inconvénients économiques qui, pour n’être pas permanents peut-être, sont plus durables. Un économiste allemand, M. Soëtber, dans son étude sur la distribution des revenus en Allemagne, fait ressortir que les énormes fortunes britanniques donnent au commerce de la Grande-Bretagne beaucoup plus d’ampleur, de hardiesse, de solidité même que ne peut en avoir le commerce allemand. Cette proposition n’est peut-être pas vraie dans tous ses termes, mais elle contient beaucoup de vérité. Une maison de commerce ou d’industrie, quand elle appartient à un seul individu, qu’elle est conduite par lui-même, est d’ordinaire beaucoup mieux administrée, avec plus d’économie, plus d’esprit de suite, qu’une société anonyme quelle qu’elle soit. Or là où les énormes fortunes sont rares, les sociétés anonymes pullulent. Un écrivain anglais, qui est un des plus opulents industriels d’outre-Manche, M. Brassey, attribuait déjà la crise économique si intense qui a frappé la Grande-Bretagne dans la dernière période quinquennale à la mauvaise gestion des sociétés anonymes dirigeant des usines, et à cette autre circonstance que les industriels britanniques se retiraient plus tôt qu’autrefois des affaires, laissant la conduite de la maison à des associés (partners) plus jeunes et moins expérimentés. Dans l’agriculture aussi, les grands propriétaires, quand ils ne détiennent qu’une partie du pays, servent très utilement à la diffusion du progrès économique, en répandant les notions les meilleures, les perfectionnements les plus récents, les méthodes les plus nouvelles.

À un point de vue plus général et plus élevé, on peut dire que les causes qui doivent amener une moindre inégalité des conditions peuvent, dans une certaine mesure, diminuer le ressort de l’activité individuelle. « Tous les arrangements, a écrit Herbert Spencer, qui empêchent à un haut degré la supériorité de profiter des avantages de la supériorité, ou qui protègent l’infériorité contre les maux qu’elle produit ; tous les arrangements qui tendent à supprimer toute différence entre le supérieur et l’inférieur sont des arrangements diamétralement