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JALOUSIE

qui recevait, disait mon amie, tous les jours à 5 heures à Infreville. Tourmenté d’un soupçon et me sentant d’ailleurs souffrant je demandai à Albertine, je la suppliai de rester avec moi. C’était impossible (et même elle n’avait plus que cinq minutes à rester) parce que cela fâcherait cette dame peu hospitalière et susceptible et, disait Albertine, assommante. « — Mais on peut bien manquer une visite. » « — Non, ma tante m’a appris qu’il fallait être polie avant tout. » « — Mais je vous ai vue si souvent être impolie. » « — Là, ce n’est pas la même chose, cette dame m’en voudrait et me ferait des histoires avec ma tante. Je ne suis déjà pas si bien que cela avec elle. Elle tient à ce que je sois allée une fois la voir. » « — Mais puisqu’elle reçoit tous les jours. » Ici, Albertine sentant qu’elle s’était « coupée » modifia la raison. « — Bien entendu, elle reçoit tous les jours. Mais aujourd’hui, j’ai donné rendez-vous chez elle à des amies. Comme cela on s’ennuiera moins. » « — Alors, Albertine, vous préférez la dame et vos amies à moi puisque pour ne pas risquer de faire une visite un peu ennuyeuse vous préférez de me laisser seul, malade et désolé. » « — Cela me serait bien égal que la visite fût ennuyeuse, mais c’est par dévouement pour elles. Je les ramènerai dans ma carriole, sans cela elles n’auraient plus aucun moyen de transport ». Je fis remarquer à Albertine qu’il y avait des trains jusqu’à dix heures du soir. « — C’est vrai, mais vous savez il est possible qu’on nous demande de rester à dîner. Elle aime inviter. » « — Hé bien ! vous refuserez. » « — Je fâcherais encore ma tante. » « — Du reste, vous pouvez dîner en ville et prendre le train de 10 heures ». « — C’est un peu juste. » « — Alors je ne pourrais jamais aller dîner en ville et revenir par le train. Mais tenez, Albertine, nous allons faire une chose bien simple : je sens