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THUCYDIDE, LIV. I.

qui, par une destinée unique, favorisa son accroissement. En effet, de toutes les parties de l’Hellade, les personnages les plus puissans, vaincus dans les combats ou victimes de factions, cherchaient chez les Athéniens un asile qu’ils croyaient sûr ; et devenus citoyens, on les vit, à d’anciennes époques, augmenter la puissance de la république, qui, avec le temps, ne suffisant plus à ses habitans, envoya des colonies en Ionie.

Chap. 3. Ce qui démontre encore la faiblesse des anciens temps, c’est qu’évidemment, avant la guerre de Troie, l’Hellade ne fit rien en commun. Je crois même qu’elle n’avait pas encore tout entière ce nom d’Hellade qu’elle porte aujourd’hui ; ou plutôt qu’avant Hellen, fils de Deucalion, ce nom n’existait nullement. Les divers peuples, entre autres celui des Pélasges, qui s’étendait si loin, donnèrent leur propre nom au sol qu’ils venaient habiter. Mais Hellen, et ses fils, étant devenus puissans dans Phthiotide, et divers peuples les ayant successivement appelés en différentes villes, où ils leur offraient des établissemens, ce fut alors, du moins à mon avis, qu’ils prirent, les uns après les autres, le nom d’Hellènes. Des relations habituelles, plutôt qu’aucune autre cause, amenèrent cette dénomination qui ne prévalut que lentement pour tous les Hellènes à-la-fois ; c’est ce que prouve surtout Homère. Quoique né long-temps après la guerre de Troie, il n’a pas compris dans une dénomination générique tous les Hellènes ensemble, pas même ceux partis de la Phthiotide avec Achille, qui cependant étaient les premiers Hellènes ; mais il nomme distinctement dans ses vers les Danaens, les Argiens, les Achéens. Il n’emploie nulle part le mot Barbare, parce qu’alors, selon moi, une seule dénomination, opposée à celle des autres peuples, ne distinguait pas encore les Hellènes. Tous ceux donc qui, considérés isolément, étaient Hellènes, et ceux qui, répandus en différentes villes, entendaient respectivement leur langage, et ceux qui, dans la suite, furent compris sous la dénomination générale d’Hellènes, ne firent rien d’un commun effort avant le la guerre de Troie ; et même l’on ne se réunit pour cette expédition, que parce qu’on commençait à pratiquer bien plus la mer.

Chap. 4. En effet Minos est le plus ancien des souverains que la renommée publie avoir possédé une marine. La plus grande partie de la mer qu’on appelle maintenant Hellénique, recevait ses lois. Il dominait aussi sur les Cyclades : après en avoir chassé les Cariens, il fut le premier qui y fonda la plupart des colonies, dont il constitua ses fils chefs suprêmes ; et, pour mieux assurer les communications, il purgea probablement, autant qu’il le put, la mer de pirates.

Chap. 5. Anciennement ceux des Hellènes ou des Barbares qui étaient répandus sur les côtes, ou qui habitaient les îles, surent à peine communiquer par mer, qu’ils se livrèrent à la piraterie, sous le commandement d’hommes puissans, autant pour leur propre intérêt, que pour procurer de la nourriture aux faibles. Ils attaquaient de petites républiques non fortifiées de murs et dont les citoyens étaient dispersés par bourgades ; ils les saccageaient, et de là tiraient presque tout ce qui était nécessaire à la vie. Cette profession, loin d’avilir, conduisait plutôt à la gloire. C’est ce dont nous offrent encore aujourd’hui la preuve, et des peuples continentaux chez qui c’est un honneur de l’exercer, en se conformant à certaines lois ; et les anciens poètes, qui dans leurs poèmes, font demander aux navigateurs qui se ren-