Page:London - Le Tourbillon, trad Postif, 1926.djvu/93

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pas été assez vif, de ce que je suis lent de naissance.

Ce qu’il devait souffrir ! Parole d’honneur, Saxonne, il faut y avoir passé pour savoir combien fait mal une vieille blessure endommagée de nouveau. Billy Murphy devait forcément rester à la traîne : pas d’autre alternative. Il ne se battait plus avec ses deux mains. Il le savait, moi de même, et l’arbitre aussi ; mais les autres l’ignoraient. Il continuait à se servir du bras gauche comme s’il était en bon état, mais il s’en fallait. Il éprouvait la même souffrance que si on lui eût enfoncé un couteau dans la chair. Il n’osait pas frapper pour de bon de son poing gauche. Il en souffrait même sans le remuer. Il me portait des coups pour rire, que j’étais trop avisé pour parer, sachant qu’il n’y avait aucune force derrière ; et même ces faibles contacts sur son pauvre pouce lui portaient au cœur, lui faisaient plus de mal que des coups de poing assénés sur un amas de furoncles ; et cette torture se renouvelait au moindre attouchement.

Supposez que nous ayons boxé pour nous amuser, dans la cour, et qu’il se soit abîmé le pouce de cette façon : en un clin d’œil, nous aurions retiré nos gants ; j’aurais mis des compresses d’eau fraîche sur ce pauvre doigt et je l’aurais bandé bien serré pour empêcher l’inflammation. Mais non ; c’était un combat devant des habitués, qui avaient payé pour voir du sang, et il leur fallait du sang. Ce ne sont pas des hommes, ce sont des loups.

Il était forcé d’en prendre à l’aise, maintenant, et moi je ne le pressais pas. Je n’étais plus bon à rien ; je ne savais que faire. Je ralentis, et voilà que les habitués s’en aperçoivent :

— Pourquoi ne cognez-vous pas ? se mettent-ils à brailler. C’est du chiqué ! Embrassez-vous, tant qu’à faire ! À toi la coupe de tendresse, Bill Roberts !… et autres aménités de ce genre.

— Cognez ! me dit l’arbitre, d’une voix basse et furieuse. Cognez ou je vous disqualifie ! vous, Bill ! c’est