Page:London - Le Tourbillon, trad Postif, 1926.djvu/94

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à vous que je parle. Et en parlant il me touchait l’épaule pour qu’il n’y ait pas d’erreur.

Ce n’était pas drôle. Ni juste non plus. Savez-vous pourquoi nous nous battions ? Pour cent malheureux dollars. Pensez-y. À ce prix-là nous devons faire de notre mieux pour abattre notre homme, à cause des amateurs qui ont parié sur nous. C’est charmant, n’est-ce pas ? Eh bien, ce devait être mon dernier combat ; ça m’a dégoûté du truc : très peu pour moi désormais !

— Abandonne ! dis-je à Billy Murphy pendant un corps à corps ; pour l’amour de Dieu, Bill, abandonne !

Et il me répond dans un murmure :

— Je ne peux pas, Bill, tu le sais bien.

Alors l’arbitre nous sépare, et la tourbe commence à siffler et hurler.

— « Maintenant rue un peu, bougre d’animal, et donne-lui le coup de grâce », me dit l’arbitre ; et je lui réponds qu’il aille au diable. Bill et moi nous retombons dans un corps à corps, sans frapper, et Bill touche son pouce encore une fois, et je puis voir sa souffrance à l’expression de son visage. Ah ! il en avait du courage, le pauvre garçon. Mais il atteignait la limite des forces humaines. Ainsi, de plonger ses regards dans ceux d’un ami brave, mais sur le point de défaillir de souffrance, et qu’on aime, et dans les yeux de qui on voit qu’il vous le rend, et être obligé de lui infliger une nouvelle torture, on appelle cela du sport ? Singulier divertissement, et qui n’est pas de mon goût ! Mais le public a parié sur nous. Nous ne comptons pas. Nous nous sommes vendus pour cent dollars, et il faut qu’ils en aient pour leur argent.

Je vous en donne ma parole, Saxonne, à des moments semblables j’avais envie de passer entre les cordes et de tomber sur le poil de ces hurleurs altérés de sang.

— Pour l’amour de Dieu, abats-moi, Bill, me dit Murphy dans ce corps à corps. Mets-m’en un coup et je tomberai pour de bon, mais je ne peux pourtant pas me coucher !