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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

— Monsieur Albert, je dois vous dire d’abord, que moi, je ne suis pas un homme du milieu. Je n’en « prends » pas là comme ils disent, comme je disais jadis et, mon Dieu ! comme parfois je dis encore ! Cependant vous ne pouviez mieux tomber. Dans une vie comme la mienne on a tout fait, tout vu et, malgré soi, parfois, punition qui vous poursuit sans doute, même si l’on n’agit plus, on voit encore ! Quand on a longtemps halé les chalands ensemble, sur la Volga, il vous reste toujours quelque chose d’un batelier. Ceux que vous désirez voir je les connais. Ils me respectent. Chacun a sa légende. J’ai la mienne. Si l’on vous a dit que j’étais leur chef on vous a trompé. Les Polonais, eux, qui font ici le même métier, ont un chef ; les Français n’en ont pas. Que suis-je pour eux ? Je suis de bon conseil, c’est le mieux que je puisse dire. Je leur évite des coups maladroits. Je leur inspire d’heureuses décisions. J’ai été paria plus profondément qu’eux. Je leur dois les leçons de ma lente misère. Quand on a su remonter des fonds où seul, j’ai pu me voir — les regards des hommes ne plongent pas si bas — on est bon guide pour les insensés qui, sans le savoir, y descendent.

Qu’elles sont belles ces roses ! C’est le sourire innocent de Buenos-Aires. Ah ! la pureté des roses !

Je vous mènerai chez eux. Vous y serez chez