Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/357

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
357
LE SONGE DE RONABWY

ils le méritent, car, dans tout danger, on les trouve à l’avant et ensuite à l’arrière. » Chevaux et hommes, dans cette troupe, étaient rouges comme le sang ; chaque fois qu’un cavalier s’en détachait, il faisait l’effet d’une colonne de feu voyageant à travers l’air. Cette troupe alla tendre ses pavillons plus haut que le gué. Aussitôt après ils virent une autre armée s’avancer vers le gué. Depuis les arçons jusqu’en haut, le devant des chevaux était aussi blanc que le lis ; et jusqu’en bas, aussi noir que le jais. Tout à coup un de ces cavaliers se porta en avant, et brochant des éperons poussa son cheval dans le gué, si bien que l’eau jaillit sur Arthur, sur l’évêque et tous ceux qui tenaient conseil avec eux : ils se trouvèrent aussi mouillés que si on les avait tirés de l’eau. Comme il tournait bride, le valet qui se tenait devant Arthur frappa son cheval sur les narines, de l’épée au fourreau qu’il avait à la main ; s’il avait frappé avec l’acier, c’eût été merveille s’il n’avait entamé chair et os. Le chevalier tira à moitié son épée du fourreau en s’écriant : Pourquoi as-tu frappé mon cheval ? est-ce pour n’outrager ou en guise d’avertissement ? » — « Tu avais bien besoin d’avertissement ; quelle folie t’a poussé à chevaucher avec tant de brutalité que l’eau a rejailli sur Arthur, sur l’évêque sacré et leurs conseillers au point qu’ils étaient aussi mouillés que si on les avait tirés de la rivière ? » — Eh bien, je le prends comme avertissement. » Et il tourna bride du côté de ses compagnons.