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KENG CANIOC.

à l’extrémité du dernier ilôt, au torrent que forme le bras de la rive gauche.

L’aspect du rapide au moment de la crue doit être magnifique : toutes les roches qui occupent le milieu de la rivière sont recouvertes par les eaux, et le Cambodge n’offre plus qu’une masse imposante d’écume coulant à pleins bords entre deux parois de marbre.

À midi, toutes nos barques avaient franchi sans accident et à l’aide de cordes le passage difficile. On les gréa de nouveau et nous nous remîmes en route.


KENG CANIOC (25 AVRIL).

Les obstacles se multiplièrent devant nous pendant toute la journée, sans présenter cependant de difficulté aussi sérieuse que celle que nous venions de vaincre. Le chenal était de plus en plus encombré et rétréci par les roches, et à chaque angle, ou à chaque anfractuosité de leurs parois, il fallait lutter contre un courant dont la vitesse se décuplait tout d’un coup. La vallée du fleuve était redevenue complètement déserte et présentait un aspect de plus en plus sauvage. À quatre heures et demie du soir, nous nous arrêtâmes devant un nouveau rapide, Keng Canioc[1], qui nécessitait encore le déchargement de nos barques. Le passage en fut remis au lendemain.

Une seule roche, debout au milieu du fleuve et se prolongeant sous l’eau par de larges assises, produit une sorte de chute torrentueuse qui accusait à ce moment un dénivellement subit de près d’un mètre entre les eaux d’amont et celles d’aval. Le passage de l’est est le plus étroit, mais le plus court. C’est celui que prirent nos barques. En les halant avec des cordes contre ce courant de foudre, l’une d’elles se rompit ; mais le patron, resté fièrement debout au gouvernail, n’en continua pas moins à la diriger entre deux eaux, et les effets combinés de son aviron et de notre amarre réussirent à amener le long du bord la légère

  1. Écrit par erreur sur la carte Keng Sanioc.