Page:Lozeau - L'Âme solitaire, 1908.djvu/7

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j’adore la musique, souples et lâches. Je n’ai pas d’idées. Je rêve et ne pense pas. J’imagine, je n’observe pas. J’exprime des sentiments que je ressentirais. Il m’est parfois arrivé d’en exprimer que j’ai ressentis. J’ai vu des arbres à travers des fenêtres. J’écris des sonnets de préférence, parce que j’ai l’haleine assez courte. Je suis absolument dénué de sens critique et ne saurais distinguer les meilleures de mes pièces des pires. Je suis irrégulier comme pas un, sincère et contradictoire, sans ambition et sans orgueil. Je suis resté neuf ans les pieds à la même hauteur que la tête : ça m’a enseigné l’humilité. J’ai rimé pour tuer le temps, qui me tuait par revanche… Je suis particulièrement abondant en faiblesses. C’est que je n’ai pas fait mon cours classique, que je ne sais pas le latin dont la connaissance est indispensable pour bien écrire le français. J’achevais un cours commercial, quand la maladie m’a jeté sur le dos. Je ne connaissais absolument rien à la littérature française, et c’est couché et très malade que j’ai appris l’existence de Chénier, Hugo, Lamartine, Musset, Gautrie, Leconte de Lisle, et de la plupart de vos