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Nous avons déjà parlé de la maison renaissance construite dans la rue du Grand-Cerf par un médecin artiste[1] ; la porte de cet édifice et les deux fenêtres qui la surmontent, méritent une description particulière. L’ouverture plein-cintre est ornée d’une archivolte à moulures et tombe sur des pieds-droits munis d’impostes. Deux colonnes d’ordre corinthien, engagées près des pieds-droits, supportent une architrave et sa cymaise dentelée, ainsi qu’une frise lisse au-dessus de laquelle règne un rang de consoles simples qui servent de points d’appui à la corniche. Cette décoration est d’une pureté digne des temps antiques. La fenêtre du premier étage présente aussi de riches dispositions. Deux consoles élégantes, postées sur la corniche de la porte, soutiennent deux colonnes corinthiennes sur lesquelles s’étendent une architrave lisse, une frise et un entablement dont la corniche forme la base d’un fronton triangulaire ; les moulures et les denticules de la corniche se reproduisent, selon l’usage, sur les deux rampants intérieurs du fronton. Entre les consoles et au-dessous de l’appui inférieur de la fenêtre se trouve un cartouche qui contient l’inscription que nous avons rapportée au chapitre Ier de cette histoire. Cette construction, purement grecque, encadre une fenêtre rectangulaire et divisée par deux meneaux prismatiques qui se coupent à angle droit. L’ornementation de la fenêtre du deuxième étage appartient à l’ordre cariatide usité dans l’architecture de quelques temples grecs et employé avec prédilection par les artistes du XVIe siècle, pour la décoration des portes, fenêtres et cheminées. Deux modillons sur lesquels s’appuie une bande en saillie profondément moulée, servent de piédestaux a deux statues de femmes, guênées, aux bras pendants , dont le corsage est colant et la chevelure façonnée en bandeaux tombant sur les épaules ; ces statues d’un beau style portent sur la tête des vases qui soutiennent une architrave lisse et une frise ornée ; au-dessus, sont assises de petites consoles, supports de la corniche. Un fronton circulaire, garni à l’intrà-dos de petites consoles, se rattache à la corniche dont il adopte toutes les moulures ; un modillon fruste occupe le milieu du tympan du fronton. La fenêtre placée dans le centre de cette construction est semblable, quant à la disposition des meneaux, à celle du premier étage.

Le frontispice que nous venons de décrire est riche, élégant, pur d’exécution et harmonieux dans toutes ses parties ; son architecture, heureuse combinaison de l’art grec et de la fantaisie renaissance, reporte la pensée vers les beaux châteaux de Touraine, gloires artistiques des derniers Valois.

Les autres maisons remarquables de la rue du Grand-Cerf étaient, au XVIe siècle, les hôtels du Mouton-Blanc (1550), de Saint-Georges, de la Barbe-d’Or, du Barillet, des Jeux-de-Paume (1556), tous dans la censive des Courtins, et ceux du Chaudron et du Croissant (1587).

(Agenda du prieur de Sainte-Foy, Livre de Guillaume Bouvart, Titres de Saint-André et de Beaulieu.)

  1. Voir suprà, p. 4 et note première. J’attribuais dans cette note la construction de la façade de la maison en question à un médecin du nom de Huvé ; cette conjecture est confirmée par les documents que possède M. de Masclary, propriétaire actuel du joli édifice dont je donne la description. Il résulte d’un acte passé devant Thomas Dumoustier, notaire à Chartres, le 24 juillet 1582, que Mire Jean de Toutteville, baron du Chesne-Doré (probablement le même que Jean d’Estouteville, seigneur de Villebon. Voir suprà, p. 297), donna cette maison à cens, à raison de 2 6 deniers ; qu’elle fut ensuite accensée par Guy de Dalon, comte du Lude, baron du Chène-Doré, à honneste femme Perrine Richer, veuve de deffunt honorable homme Me Claude Huvé, vivant docteur en médecine ; et que, saisie sur les héritiers de ce médecin, elle passa entre les mains de noble homme Claude de Montescot. Un autre acte reçu par Bouvart, notaire à Chartres, le 14 juillet 1607, fait connaître que ce dernier propriétaire vendit le logis dont il s’agit à Gervaise Brosse, marchand, moyennant 2,100 livres tournois.