Page:Mac-Nab - Nouvelles Chansons du Chat noir, Heugel.djvu/21

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Elle fut très longtemps à s’y faire ; c’est bête,
Cet œil, qui la fixait inexorablement,
Semblait l’intimider de son regard honnête.

Du côté des musiciens, le violoncelliste Tolbecque, Marie Krysinska, Charles de Sivry et Georges Fragerolles, le compositeur tant applaudi depuis au Chat Noir, qui sertissait en des mélodies charmantes la Chanson des Gueux de Richepin. Citons encore Mélandri, Émile Cohl, André Gill, les deux Decori, — j’en oublie et des meilleurs. On juge quel régal était pour le public un pareil bouquet d’artistes.

N’oublions pas non plus de donner un souvenir à Sapeck, l’illustre Sapeck, comme on l’appelait au quartier, qui venait souvent donner la note burlesque avec les facéties extraordinaires dont il avait le secret.

Plus tard, les Hydropathes changèrent de nom et s’intitulèrent Hirsutes, sans doute à cause de la chevelure démesurée que quelques-uns se croyaient obligés, par tradition romantique, de porter. Aux éléments anciens s’ajoutèrent de nouvelles recrues et de bonnes : Émile Peyrefort, Georges d’Esparbès, Léo Trézenick, Léon Collignon, Jean Rameau, Émile Michelet, Laurent Tailhade, Charles Viguier, Marcel Baillot, Edmond Haraucourt, Charles Morice, Michel Ménard et enfin Jean Moréas, suivi de la phalange des symbolistes.

Ces réunions étaient pour les jeunes poètes une excellente école. D’abord l’indépendance était absolue, et le souci de plaire à telle ou telle coterie littéraire ou de satisfaire un public spécial était inconnu : tous les genres étaient admis, et quand l’idée était heureuse et la facture élégante, les applaudissements de bon aloi n’étaient pas épargnés, et l’on accueillait avec un égal enthousiasme la Légende des sexes d’Haraucourt, le sonnet Saint Sacrement de Michel Ménard, ou l’exubérance panthéistique des poèmes de Rameau.

École excellente de diction, car plusieurs étaient passés maîtres en l’art de faire miroiter l’idée dans les chatoiements rythmiques du verbe ; et ce quelque chose de lui-même que le poète met dans ses œuvres, empreinte de sa personnalité, qui donc saurait mieux que lui le faire sentir en les disant lui-même et en les disant bien ?

Jeunes, pleins d’avenir et d’espérances, jugés par leurs