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titre i.
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ENGRAIS ET AMENDEMENTS.


d’un an, en le mêlant avec de bonne terre de bruyère dans la proportion d’une partie de cette terre pour trois parties du compost de chaux et de gazon.

Ces mélanges doivent être parfaitement homogènes ; il serait dangereux de les employer avant que ceux de leurs éléments qui en sont susceptibles n’eussent entièrement accompli leur fermentation. Toutes les plantes d’orangerie végètent bien dans ces composts, quoiqu’à vrai dire plusieurs d’entre elles, notamment les camélias et les pélargonium, puissent fort bien se contenter de la terre franche ou terre normale, telle qu’on la trouve dans tous les jardins bien cultivés.

On a cru longtemps que l’oranger et les autres plantes d’orangerie ne pouvaient se passer d’une terre contenant une douzaine d’ingrédients différents qu’on laissait vieillir ensemble pendant trois longues années ; mais, au bout de ce temps, tous les engrais amalgamés dans ce compost étaient devenus du terreau qu’il eût été beaucoup plus court de prendre tout fait dès le début ; c’est pourquoi nous nous abstiendrons de donner la recette de l’ancienne terre d’oranger, recette reconnue de nos jours non moins ridicule qu’inutile.

B. Terre de bruyère factice. — Rien ne peut remplacer exactement la bonne terre de bruyère pour les plantes et arbustes qui ne peuvent s’en passer. Le sable siliceux et le terreau végétal sont les principaux éléments constitutifs de la terre de bruyère ; on essaie donc de l’imiter en formant un compost de ces deux substances mélangées par parties égales. Pour que l’imitation fût complète, il faudrait que le terreau employé vînt de la décomposition des mêmes plantes qui ont fourni le terreau mêle naturellement à la terre de bruyère ; mais c’est une condition impossible à remplir. Si le jardinier avait à sa proximité un sol couvert de bruyères qu’il lui fût possible de recueillir pour les convertir en terreau, il pourrait à plus forte raison prendre toute faite la terre où croissent ces plantes.

Quant aux jardiniers à qui manque cette ressource, nous leur conseillons de faire usage d’un procédé qui nous a constamment réussi dans un canton de la Belgique où la terre de bruyère nous aurait coulé un prix excessivement élevé à cause de la difficulté des transports. Des ajoncs (ulex aculeata), semés sur un assez mauvais terrain, y prirent en une année un grand développement. A l’exemple de ce qui se pratique pour la grande culture en Bretagne, ces ajoncs coupés en pleine Heur, au milieu de l’hiver, furent étendus dans un chemin creux et humide où ils furent bientôt triturés par le passage du bétail et des chariots ; il en résulta une masse assez homogène de terreau noir ; l’ulex, quoique très coriace en apparence, se décompose rapidement et complètement. Vers la fin de mars, ce terreau, relevé en tas et retourné pour en opérer la dessiccation, fut passé à la claie ; on en mêla trois parties avec une partie de sable pur provenant de débris de grès piles. Les plantes de terre de bruyère, qu’on n’avait pu faire végéter d’une manière satisfaisante dans le compost ordinairement employé pour tenir lieu de la terre de bruyère naturelle, réussirent très bien dans ce mélange, le terreau d’ajonc se rapprochant à beaucoup d’égards du terreau de bruyère.

Nous engageons donc les jardiniers à suivre ce procédé quand ils manqueront de terre de bruyère ; la graine d’ajonc est à bas prix ; elle réussit partout, et l’on peut toujours disposer pour elle d’un coin de mauvaise terre.

Nous renvoyons les autres composts, d’un usage moins général dans les jardins, aux articles des cultures spéciales qui les emploient exclusivement (voyez Ananas et Plantes de collection).


CHAPITRE III. — Procédés d’irrigation.

Section 1re. — Irrigation naturelle et arrosage à la main.

Partout où le jardinage est en honneur, les arrosages sont la base de la culture jardinière. Dans nos départements méridionaux, on ne fait guère de jardinage que là où des sources abondantes permettent de pratiquer l’irrigation naturelle. Il est fort heureux que la nature y ait pourvu en dotant ces contrées d’innombrables filets d’eau vive sortant du pied des montagnes, comme l’irrigation de la plaine de Perpignan en offre un remarquable exemple ; faute de cette ressource, il est probable que les jardiniers du midi de la France renonceraient à leur industrie, la chaleur du climat rendant trop pénible le travail de l’arrosoir.

L’irrigation naturelle, telle qu’on la pratique aux environs de Perpignan, de Marseille et des principales villes du midi, est excessivement simple ; elle consiste à diviser le potager en planches fort étroites, dont la terre est relevée sur les deux bords et légèrement creusée au milieu, fig. 1.

Chacune de ces planches est séparée par un intervalle de 0m,30 à 0m,40 formant une rigole, fig. 2, bouchée seulement à l’une de ses extrémités, en sorte que l’eau