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LE GRAND DOMAINE

Malgré la gêne monétaire où vivait le ménage, Mme Méridier trouva le moyen de fournir à la petite Jacqueline la cure d’air à la montagne dont elle avait besoin.

Au grand domaine, depuis longtemps, les vieux parents étaient morts. Restaient des cousins et cousines de noms variés et le chef était le cousin Jules. La parenté devenait trop lointaine pour que Mme Méridier pût être hébergée comme autrefois. Elle proposa de payer. On savait le cousin Jules pas très commode, obscurément riche et d’une âpreté silencieuse. Il répondit, sur du papier quadrillé de paysan, une lettre calligraphiée, disant qu’ils ne trouveraient pas chez lui toutes les facilités qu’ils avaient à la ville, que pour du bon air, bien sûr, ils auraient du bon air ; et tant qu’à l’argent, que ce ne soit pas ça qui les empêche de faire profiter du bon air la petite cousine, parce qu’on s’arrangerait bien toujours.

Il donnait des nouvelles de son fils aîné qui était professeur à son Séminaire de Paris. Le jeune habitait chez sa femme, qui avait attrapé la mauvaise santé. Il énumérait en terminant tous ceux à qui il disait « bien des choses » et signait d’un paraphe compliqué et encerclant.

On partit dans la première semaine d’août, la veille, M. Méridier montrait à Augustin une carte au timbre suisse.

— Elle devrait t’être adressée, dit-il.

Mme Desgrès des Sablons félicitait le jeune lauréat « assez heureux pour faire tout ce qu’il veut ».

— Elle possède, ajoutait-il, l’art des mots charmants.

Le souvenir des Sablons traversa Augustin. Deux ans déjà. Ni lui, ni son père n’avaient eu l’occasion d’y revenir.