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NOTICE

ordinairement en garni, dans une chambre où il n’y a que sept ou huit chaises de paille ; et quand elles sont toutes remplies, on ne laisse plus entrer personne. Un soir, un habitant d’Aurillac, ville où Maynard était président, vient frapper à la porte en demandant : « Monsieur le Président est-il point ici ? » Malherbe se lève furieux : « Apprenez, Monsieur, qu’il n’y a point ici d’autre Président que moi. » Et il se remet à enseigner à ses disciples que les poètes grecs ne sont points estimables, que Pindare est du galimatias, que Virgile est inférieur à Stace et à Sénèque le Tragique, enfin et surtout que Ronsard et Desportes ne valent rien. Sur son Desportes, il a écrit, en marge, un commentaire impitoyable. Quant à son Ronsard, il en a biffé la moitié ; et quand Racan lui demande s’il en aime ce qu’il n’a point effacé encore, il biffe le reste. Dans ces dénis de justice, il y a un peu de paradoxe, beaucoup de conviction, et pas la moindre trace d’envie. Ne l’oublions pas nous-mêmes pour juger équitablement ce terrible bonhomme. La doctrine qu’il prêche, et dont il est possédé, voilà la cause. Nous verrons plus tard quelle est cette doctrine.

Suivons-le plutôt maintenant, dans son rôle de poète royal. Si nous négligeons les faibles morceaux qu’il écrit pour de médiocres circonstances, nous le verrons s’élever, de poème en poème, à la hauteur des plus grandes, de celles où la France même est intéressée. Qu’il nous suffise de citer l’ode écrite sur l’attentat commis en 1605 contre Henri IV et l’ode sur la reddition de Sedan ; le superbe sonnet au roi, sur la naissance de son second fils, et les stances, enfin, sur l’assassinat de Henri le Grand par Ravaillac, en 1610. Cette mort semble replonger un instant le pays dans les hasards de la guerre civile ; mais Malherbe reste fidèlement attaché à l’autorité royale en la personne de la reine régente Marie de Médicis, à laquelle il consacre, sur les premiers succès de sa régence, la plus éclatante de ses compositions lyriques. Elle est d’un grand citoyen autant que d’un grand poète : et le cri d’orgueil qui la termine semble, cette fois, pleinement justifié.

Le pâle avènement de Louis XIII, et son mariage