Page:Martineau - Le musicien de province, 1922.djvu/11

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treinte dans la somme de mes connaissances artistiques. J’avais commencé le violon et le piano de très bonne heure, travaillant peu ou très irrégulièrement l’un et l’autre. Au bout d’une année de ce double apprentissage, j’avais lâché sans héroïsme le piano, mes qualités d’observation m’ayant amené à cette constatation qui ne souffrait aucune réplique, à savoir que le piano nécessitait l’étude de la clef de sol et de la clef de fa tandis que le violon se contentait de la première seulement. Il va sans dire que j’introduisais cet argument au milieu d’un éloquent réquisitoire où le piano était traité d’instrument décadent et féminin.

Mon professeur de violon venait de quitter Turturelle, la ville où j’ai été élevé et que l’on reconnaîtra peut-être quand j’aurai dit que comparée aux autres chefs-lieux elle ne fait guère impression, mais qu’il suffit de l’habiter pour la croire la plus voluptueuse de France.

Le maître parti, on avait songé à le remplacer. Un ami indiqua à mes parents le père Grillé : « Il est, disait-il, modeste et doux, très bien élevé ; sa science est celle d’un musicien consommé ; il ne joue d’aucun instrument en virtuose, mais il les connaît tous ou presque tous de manière à pouvoir en enseigner le mécanisme. »

L’ami qui nous tenait ce langage et devait bientôt me présenter à M. Grillé, était mon ami