Page:Martineau - Le musicien de province, 1922.djvu/12

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Bergeat. Ma confiance en lui était énorme. De dix ans plus âgé que moi, il pratiquait le violon avec goût et à propos de questions très diverses, faisait preuve d’un jugement original avec, à l’appui, une instruction solide.

Il était gai, d’une gaîté parfois éclatante qui était pour son dos rond l’occasion de soubresauts réjouissants.

Ça a été un des grands plaisirs de ma vie de le voir, pour un mot dont la drôlerie pouvait d’ailleurs paraître depuis longtemps acclimatée, s’arrêter, s’écarter de deux ou trois pas, se tourner vers la muraille la plus voisine, les épaules secouées, tandis qu’éclatait son rire sincère et jeune.

Vu de face, il ressemblait étonnamment à Balzac, à ce point que j’ai pu faire croire à de ses proches parents, en leur montrant un portrait de Balzac, que c’était celui de Bergeat que je leur présentais. Même mâchoire volontaire sous une face ronde et solidement construite, mêmes cheveux noirs et épais, le nez laid, et ces yeux aux reflets dorés, vibrants d’intelligence et de puissance observatrice.

À l’heure et au jour convenus, Bergeat et moi fîmes à pied le trajet assez long qui séparait la demeure de mes parents de celle de M. Grillé qui habitait une maison d’un quartier lointain, presque aux portes de la ville, à côté d’une église, promenade charmante. On suivait la rue