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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

nairement le mot lice, qui est le terme propre[1]. S’il introduit des courriers dans l’une de ses fables, ce sont des levriers[2], c’est-à-dire les plus légers des chiens, ceux qui chassent de vitesse. Si un cerf est mis en fuite,

Un limier le fait partir[3].

Mais s’il est question d’un renard,

La fumée y pourvut, ainsi que les bassets[4].

Les bassets sont fort propres à ce genre de chasse, parce que seuls ils peuvent entrer dans les terriers, ce qui les a fait nommer autrement chiens de terre. Ces chiens sont originaires de Flandre ou d’Artois ; toutefois, ils diffèrent de ceux qu’on appelle proprement chiens d’Artois ou chiens de Boulogne ; ceux-ci sont, comme les turquets[5], des chiens d’appartement ; ils forment une variété du doguin, de même que les carlins, ainsi nommés dans le dernier siècle parce que leur tête ressemble à la figure d’Arlequin, dont l’acteur Carlin jouait le rôle avec le plus grand succès. Comme ces chiens ont le nez très écrasé, on disait proverbialement de quelqu’un qui est fort interdit de se voir trompé dans son attente : Il est camus en chien d’Artois[6], camus comme un chien de Boulogne[7]. Ces expressions qui n’ont été recueillies dans aucun Dictionnaire, ne se trouvent du reste que dans les ouvrages que La Fontaine n’a pas composés seul, et doivent peut-être être attribuées à Champmeslé.

Au premier abord, on est surpris de voir souvent,

  1. Adon., 379.
  2. Liv. II, fab. xv, 20.
  3. Liv. VI. fab ix, 12.
  4. Liv. IX, fab. xiv, 30.
  5. Lettres à Madame de La Fontaine, 5 septembre 1663, t. II, p. 644.
  6. Je vous prends sans vert, sc. xiv, 8.
  7. Ragotin, acte IV, sc. iii, 6.