Page:Marx - Misère de la philosophie.djvu/139

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chiffre de sa production s’élève et lui dénonce un surcroît de félicité. Et puisque enfin, pour lui, consommer c’est produire, il est clair que chaque journée de consommation, n’emportant que le produit de la veille, laisse un excédant de produit à la journée du lendemain. »

Ce Prométhée de M. Proudhon est un drôle de personnage, aussi faible en logique qu’en économie politique. Tant que Prométhée ne fait que nous enseigner la division du travail, l’application des machines, l’exploitation des forces naturelles et du pouvoir scientifique, multipliant les forces productives des hommes et donnant un excédent comparé à ce que produit le travail isolé, ce nouveau Prométhée n’a que le malheur de venir trop tard. Mais dès que Prométhée se mêle de parler production et consommation, il devient réellement grotesque. Consommer, pour lui, c’est produire ; il consomme le lendemain ce qu’il a produit la veille, c’est comme cela qu’il a toujours une journée d’avance ; cette journée d’avance c’est son « excédant de travail ». Mais, en consommant le lendemain ce qu’il a produit la veille, il faut bien que le premier jour, qui n’avait pas de veille, il ait travaillé pour deux journées, afin d’avoir dans la suite une journée d’avance. Comment Prométhée a-t-il gagné le premier jour cet excédant, alors qu’il n’y avait ni division de travail, ni machines, ni même d’autres connaissances des forces physiques que celle du feu ? Ainsi la question, pour