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MES DISCOURS
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la table commune, vous échangerez encore vos impressions et vos admirations de la journée, et c’est là surtout que vous profiterez les uns des autres et que naîtra cette collaboration de l’enthousiasme. S’il m’est permis de parler plus spécialement de la musique, je vous dirai que notre art n’est que le reflet de nos sensations. Il faut tout attendre d’une émotion souvent fortuite. Une mélodie peut naître spontanée au souvenir d’une impression ressentie, d’une pensée laissée en notre cœur, d’un regard, d’un mot, d’un son de voix.

Ainsi vous deviserez jusqu’à l’heure de l’Ave Maria : les peintres communieront en Raphaël, les sculpteurs s’agenouilleront devant Michel-Ange, les architectes, emportés par leurs rêves au delà même de la ville éternelle, vous diront les merveilles de l’Acropole, et les musiciens chanteront pour chanter !... car à la Villa Médicis comme en notre belle France, tout finit nar des chansons.

Je me souviens qu’Henner se plaisait aux harmonies imprécises pour bercer les vagues rêveries de ses nymphes au clair de lune, tandis que les sculpteurs et les architectes s’extasiaient devant les robustes constructions musicales de Gluck et de Hændel. Ainsi se révèlent les états d’âme.

Et voilà ce qu’on voudrait détruire ! Les plus purs enivrements de votre jeunesse ! Ah ! mes jeunes amis, vous subirez le charme comme nous l’avons subi et, plus tard, quand vous aurez quelque découragement des luttes quotidiennes, vous ferez ainsi que vos aînés : vous reviendrez vers cette Mecque des arts pour y retremper vos forces défaillantes, nou-