Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/255

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prêche, entrer au lit de la mort dans des terreurs qu’on ne pouvait presque calmer, faire trembler d’effroi leur couche pauvre et austère, demander sans cesse d’une voix mourante à leurs frères : Croyez-vous que le Seigneur me fasse miséricorde ? et être presque sur le point de tomber dans le désespoir, si votre présence, ô mon Dieu ! n’eût à l’instant apaisé l’orage et commandé encore une fois aux vents et à la mer de se calmer ; et aujourd’hui, après une vie commune, mondaine, sensuelle, profane, chacun meurt tranquille ; et le ministre de Jésus-Christ appelé est obligé de nourrir la fausse paix du mourant, de ne lui parler que des trésors infinis des miséricordes divines, et de l’aider, pour ainsi dire, à se séduire lui-même. O Dieu ! que prépare donc aux enfants d’Adam la sévérité de votre justice ?

Mais que conclure de ces grandes vérités ? qu’il faut désespérer de son salut ? à Dieu ne plaise ! il n’y a que l’impie qui, pour se calmer sur ses désordres, tâche ici de conclure en secret que tous les hommes périront comme lui : ce ne doit pas être là le fruit de ce discours, mais de vous détromper de cette erreur si universelle, qu’on peut faire ce que tous les autres font, et que l’usage est une voie sûre ; mais de vous convaincre que pour se sauver il faut se distinguer des autres, être singulier, vivre à part au milieu du monde, et ne pas ressembler à la foule.

Lorsque les Juifs, emmenés en servitude, furent sur le point de quitter la Judée et de partir pour Babylone, le prophète Jérémie, à qui le Seigneur avait ordonné de ne pas abandonner Jérusalem, leur parla de la sorte : Enfants d’Israël, lorsque vous serez arrivés à Babylone, vous verrez les habitants de ce pays-là qui porteront sur leurs épaules des dieux d’or et d’argent ; tout le peuple se prosternera devant eux pour les adorer ; mais pour vous alors, loin de vous laisser entraîner à l’impiété de ces exemples, dites en secret : C’est vous seul, Seigneur, qu’il faut adorer : Te oportet adorari, Domine (BARUCH., c.6 v. 5.).

Souffrez que je finisse en vous adressant les mêmes