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à vau-le-nordet
causer souvent avec les personnes appartenant à la noblesse, qui viennent chaque année de France, à bord des vaisseaux du Roi, passer plusieurs semaines à Kébec. À Montréal, au contraire, on ne reçoit que rarement la visite d’hôtes distingués. Les Français eux-mêmes reprochent aux dames de cette dernière ville d’avoir beaucoup trop d’orgueil des Sauvages et de manquer d’éducation. Cependant, ce que j’ai dit plus haut de l’attention excessive qu’elles donnent à leur coiffure s’applique à toutes les femmes du Canada. Les jours de réception, elles s’habillent avec autant de magnificence qu’on serait porté à croire que leurs parents sont revêtus des plus grandes dignités de l’État… Pour continuer la comparaison entre les dames de Québec et celles de Montréal, j’ajouterai que celles-ci sont généralement plus belles que les premières. Les manières m’ont semblé quelque peu libres dans la société de Kébec… À Montréal, les filles sont moins frivoles et plus adonnées au travail. On les voit toujours occupées à coudre quand elles n’ont pas d’autres devoirs à remplir. Cela ne les empêche pas d’être gaies et contentes : personne ne peut les accuser non plus de manquer d’esprit ni d’attraits. Leur seul défaut, c’est d’avoir trop bonne opinion d’elles-mêmes. Les jeunes gentilshommes qui viennent de France, chaque année, sont captivés par les dames de Kébec et s’y marient ; mais comme ces messieurs vont rarement à Montréal, les jeunes filles de cette dernière ville n’ont pas souvent semblable fortune.

Voyons maintenant l’opinion de La Hontan… Mais à quoi bon multiplier les citations. Mieux vaut rester sur la bonne bouche. Au reste, il ne s’agit pas d’établir une thèse qu’on discute, de constater un fait dont on conteste l’existence. La Hontan, vous savez, est un mauvais esprit, un pessimiste, un fin-fin, un triste sire, un être vétilleux, pointilleux, hargneux, un cuistre, un pleutre, un goujat, un mufle, un dénigreur enfin !