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à vau-le-nordet
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L’Honorable M. Bitard s’était levé et fiévreusement allait et venait à grands coups de talon dans son moelleux Axminster, déclamant une mercuriale en règle à ce pauvre Latrime qui courbait le dos sous l’averse :

— C’est bien cela. Allez donc maintenant contenir dans le devoir et le droit chemin des gens à qui on paie des salaires fantaisistes qui leur permettent de se goberger au Château. Je l’ai toujours dit, c’est une prime à la dissipation, un encouragement au luxe sinon à la luxure. Avec ce redressement des salaires, les subalternes ont une tendance à s’émanciper et à mener une vie de polichinelle. Mais je vais y mettre bon ordre et pas plus tard que dès maintenant. Je vais y mettre bon ordre et dans votre intérêt, monsieur Omer Latrime, et pour la sauvegarde de votre avenir et de votre foyer. Puisque votre traitement vous assure un surplus à gaspiller, je vais faire en sorte de vous protéger contre les entreprises des aigrefins et de vous empêcher de devenir un fêtard et peut-être un concussionnaire. De ce jour, je réduis votre salaire de 50 $ par année. Vous me remercierez plus tard de vous avoir arrêté sur la pente qui mène à l’oubli de ses devoirs et au crime. Allez !

Et le pauvre gagne-petit, démoralisé, penaud, sortit du cabinet de l’Honorable M. Bitard pour réintégrer sa galère. S’il se berça de l’espoir que le Ministre reprendrait ses sens et que sa dureté