Page:Maupassant - Le condamné à mort (extrait de Gil Blas, édition du 1883-04-10).djvu/7

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sanguinaire ni vindicatif ; et quand il bannit, car il bannit, la mesure est appliquée avec des ménagements infinis.

En faut-il donner des preuves ?

Un joueur obstiné, dans un jour de déveine, insulta le souverain. Il fut expulsé par décret.

Pendant un mois il rôda autour du Paradis défendu, craignant le glaive de l’archange, sous la forme du sabre d’un gendarme. Un jour enfin il s’enhardit, franchit la frontière, gagne en trente secondes le cœur du pays, pénètre dans le Casino. Mais soudain un fonctionnaire l’arrête : « N’êtes-vous pas banni, monsieur ? » — « Oui, monsieur, mais je repars par le premier train. » — « Oh ! en ce cas, fort bien, monsieur, vous pouvez entrer. »

Et chaque semaine il revient ; et chaque fois le même fonctionnaire lui pose la même question à laquelle il répond de la même façon.

La justice peut-elle être plus douce ?