Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/265

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femme passionnée, à qui tout doit céder :

— Écoute, je veux… tu entends… je veux aller avec toi tout de suite, à l’endroit où nous nous sommes dit adieu, l’an dernier ! tu te rappelles bien, sur la route de la Roche-Pradière ?

Il répondit, stupéfait :

— Mais c’est insensé, tu ne peux plus marcher. Tu as été debout toute la journée ! C’est insensé, je ne le permettrai pas.

Elle s’était levée, et elle répéta :

— Je le veux. Si tu ne m’accompagnes pas, j’irai seule.

Et lui montrant la lune qui se levait :

— Tiens, c’était un soir tout pareil ! Tu te rappelles, comme tu baisais mon ombre ?

Il la retenait :

— Christiane… écoute… c’est ridicule… Christiane.

Elle ne répondait pas et marchait vers la descente qui conduisait aux vignes. Il connaissait cette volonté calme que rien ne faisait dévier, l’entêtement gracieux de ces yeux bleus, de ce petit front de blondine qu’aucun obstacle n’arrêtait ; et il prit son bras pour la soutenir en route.

— Si on nous voyait, Christiane ?

— Tu ne disais pas ça, l’an dernier. Et puis, tout le monde est à la fête. Nous serons