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les élèves d’ingres

siècle. Tandis que les écoles d’Angleterre et d’Allemagne s’attardaient à des idéals rétrospectifs, les quelques hommes distingués qui surent s’assimiler son enseignement préparaient les formules que devait illustrer le génie d’un Puvis de Chavannes. Son influence fut immense ; elle lui survit, elle persiste aussi bien dans les compositions dociles des décorateurs et des verriers de province, que dans les œuvres audacieuses d’un Degas ou d’un Gauguin. Cette influence s’est exercée entre 1825 et 1850, à une époque précisément où des archéologues et des écrivains découvraient l’art grec et ressuscitaient le Moyen-Age ; en même temps le développement incessant de la pensée chrétienne entrait dans une phase d’apogée.

Le moment est peut-être venu de tirer de l’oubli une douzaine, ou plus, d’œuvres remarquables ou se sont affirmés des esprits originaux comme Mottez, Amaury-Duval ou Janmot. À l’indifférence, maintenant il peu près unanime, en matière de dessin et de composition, succédera, j’imagine, un engouement néo-classique qui remettra en honneur leur art suranné. On recherchera peut-être un jour leurs dessins précis comme maintenant les croquis charmants du xviiie siècle ou les pochades nuancées des impressionnistes. On démêlera le rôle qu’ils ont eu dans l’évolution récente des arts du décor. Par une réaction inévitable contre le goût exagéré de la couleur et les abus de l’exécution, on excusera leurs matières revéches et l’absence de séductions superficielles. Les excès de l’individualisme feront apprécier dans l’école d’Ingres les avantages de la forte discipline classique qui améliore les forts, et confère, en les subordonnant, une utilité aux médiocres.

Je n’ai eu ni le loisir, ni le désir de faire de ceci une œuvre de documentation. J’apporte cette modeste contribution à qui voudrait écrire l’histoire, ou bien la légende de cette belle période du xixe siècle, l’une des plus curieuses de l’histoire de l’Art, l’une des plus romanesques de l’histoire du Catholicisme, et si attachante aussi par la beauté des caractères et la passion de l’idéal !

Alors Viollet-le-Duc continuait l’art gothique en croyant le restaurer. Des hommes comme de Lassus, de Caumont, de