Page:Maurice Denis Théories (1890-1910)-1920.djvu/160

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e-n un groupement posthume. Ce sont des lithographies synthétiques sur le sujet du Cantique des Créatures, et des peintures de petit format entre lesquelles nous gardons plus particulièrement le souvenir de vues prises à Vézelay, en Provence, en Toscane, en Ombrie. Construites avec une rigoureuse compréhension de l’ensemble et peintes d’après un système de valeurs de ton qui rappelle la solidité et la délicatesse de Corot, ce sont des œuvres d’une valeur d’art très objective. Les qualités d’âme n’en diminuent en aucune façon l’intérêt pictural. Outre l’évidente conscience et la sincérité du peintre, elles manifestent encore des qualités de goût, d’intelligence, le sens de la belle matière, des dons de coloriste.

Mais Du lac n’était pas un paysagiste ordinaire. Si remarquable que fût son métier, il n’en faisait que le moyen d’une œuvre évocatrice de ses états d’âme. Dans ses paysages, aussi bien que dans ses lettres, on voit comme il aimait les sites incomparables du Val d’Arno et de la haute vallée du Tibre. Ce qu’il éprouvait d’émotion devant ces beaux paysages nous le savions par ses peintures. Mais les descriptions de ses lettres ont aussi bien de la saveur : ce qu’il dit de San Gimignano et d’Assise réveille en nous la nostalgie de ces villes de légende accrochées au liane des montagnes. de ces horizons bleus et roses d’une pureté infinie ; et l’on évoque les soirs mélancoliques, les blanches matinées de Toscane et d’Ombrie : l’air y est si léger et la ’lumière si douce, et telle est aussi la perfection des formes de la Terre que l’âme éprouve là, devant une immense béatitude, le détachement de tout, et comme un avant-goût du paradis. Nul spectacle n’est plus propice à la méditation, à l’extase. L’intense poésie de ces lieux il l’a su mettre dans les portraits pourtant fidèles qu’il en a faits. Ses études d’après nature sont comme les compositions de lieu de ses exercices spirituels, comme les thèmes de ses oraisons. Il dit quelque part : il y a des jours où les arbres sont des bûches : mot profond qui exprime bien la bassesse possible du paysagiste, et qui sous-entend sa grandeur. Ces jours-là, Dulac ne devait pas peindre…

La piété de cet homme, comme son art, était lyrique et