Page:Maurice Denis Théories (1890-1910)-1920.djvu/161

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positive. La vie que ses lettres racontent au jour le jour et sans nulle attitude, est toute droite, toute simple, et cependant très belle. La pensée du R. P. Louis est qu’il y a avantage spirituel à la lire et à la méditer : je le crois aussi ; et comme j’ai vu dans ses tableaux un peu du regard de Corot, j’aperçois dans ses lettres un peu de l’âme de Saint François d’Assise.

IX
paul sérusier
[1]

Sérusier est maintenant professeur : il enseigne à l’Académie Ranson. Mais il l’a toujours été ; il a enseigné chez Julian, à Munich, en Bretagne, partout où il a passé, et je me souviens que lorsqu’il était massier des petits ateliers Julian, il m’enseigna, à moi nouveau, la philosophie de Plotin, avant de me révéler la technique et l’esthétique de la peinture synthétiste qu’il tenait de Paul Gauguin rencontré en Bretagne. Après avoir exposé au Salon des intérieurs minutieux et sombres, Sérusier avait été présenté à Gauguin, par E. Bernard, à la fin des vacances de 1888, chez la mère Gloanec, à Pont-Aven. C’est de là que date sa véritable vocation. Esprit cultivé, raisonneur, à la fois logique et paradoxal, il s’attache alors à découvrir le lien des différentes formules que vivifient la parole et l’art de Gauguin. Il y met de l’ordre, il les systématise, il en tire une doctrine qui d’abord se distingue mal de l’impressionnisme, avant d’en devenir l’antithèse ; et cela se passe précisément à l’époque où de la réunion des peintres et des poètes naît le Symbolisme.

J’ai démêlé depuis que la part de Sérusier a été grande dans l’élaboration de cette doctrine synthétiste, symboliste ou néotraditionniste, dont j’attribuais la paternité à Gauguin, à Van Gogh, à Cézanne. C’est il lui que je dois la lucidité avec laquelle dans l’article d’Art et Critique je fixais les points essentiels du système ; le tableau, une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ; l’art,

  1. L’Occident, décembre 1908.