Page:Maurice Denis Théories (1890-1910)-1920.djvu/185

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Il n’avait rien de l’artiste, au sens distingué, qui déjà il y a quinze ans nous déplaisait ; certes, sa sensualité était rare, mais ses œuvres étaient rudes et saines. Il justifiait pleinement le jeu de mots étymologique de Carlyle sur génie et ingénuité. Quelque chose d’essentiel, de profondément vrai, émanait de son art sauvage, de son bon sens fruste, de sa vigoureuse naïveté. Les paradoxes qu’il sortait dans la conversation, sans doute pour avoir l’air aussi prétentieux que les autres, et parce qu’il était Parisien, cachaient des enseignements de base, des vérités foncières, des idées éternelles dont aucun art en aucun temps ne peut se passer. Il y retrempait la peinture. C’était, pour notre temps corrompu, une sorte de Poussin sans culture classique, qui, au lieu d’aller à Rome étudier avec sérénité les antiques, s’enfiévrait à découvrir une tradition sous l’archaïsme grossier des calvaires bretons et des idoles maories, ou bien dans le coloriage indiscret des images d’Épinal. Oui, mais, comme le grand Poussin, il aimait passionnément la simplicité, la clarté, il nous incitait à vouloir avec franchise ; et pour lui aussi synthèse et style étaient il peu près synonymes.