Page:Maurice Denis Théories (1890-1910)-1920.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
274
DE GAUGUIN ET DE VAN GOGH AU CLASSICISME

goût italien. N’allons pas demander au xviie siècle, aux Quattrocento, aux gothiques, autre chose que des principes généraux et une certaine tournure d’esprit ennemie de la virtuosité et du désordre.

Avant de nous mettre à l’œuvre, il nous faudrait — comme l’a dit Mithouard à propos de la réforme de Malherbe[1] — convenir de quelque chose sur quoi les bons esprits soient tombés d’accord. Le retour aux traditions, aux vérités françaises, l’instinct national réveillé par l’indignation patriotique, le sens de l’Occident éclairent et stimulent les intelligences, mais ne suppléent ni à la décadence des traditions de métier, ni à l’absence d’une esthétique unanimement admise.

Ce qui fonde une renaissance, c’est moins la perfection des modèles qu’on se propose que la force et l’unité d’idéal d’une génération vigoureuse.

Nous n’avons pas cette unité d’idéal. Cependant si la jeunesse arrive à rejeter les systèmes négatifs qui ont désorganisé l’art et l’esthétique — en même temps que la société et l’intelligence française, — elle trouvera dans notre doctrine synthétiste ou symboliste, dans notre interprétation rationnelle de Cézanne et de Gauguin, les éléments vraiment actuels d’une restauration classique. Les théories de 1890 auront fait mieux que de donner un attrait paradoxal à des vérités éternelles. Elles ont fait surgir de l’anarchie même un ordre nouveau. Nos méthodes simplistes avaient du moins l’avantage de s’adapter aux éléments neufs introduits par l’impressionnisme, et de les utiliser. Issues d’une mentalité décadente, elles ne nous proposent pas, loin dans le passé, un idéal irréalisable, mais en organisant les ressources fraîches de l’art modernes, nos réalités, elles nous ont permis de concilier l’exemple des Maîtres avec les exigences de notre sensibilité.

L’histoire de l’art n’est qu’un perpétuel recommencement.

  1. J. Adrien Mithouard : Traite de l’Occident (librairie académique Perrin),