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chasses et voyages au congo

l’orage qui menace : il a déjà plu la nuit et nos hommes dérapent comme s’ils étaient sur du verglas ! Dans la forêt qui par son aspect me fait penser à la forêt de Soignes, nous sommes plus d’une fois arrêtés par des passages scabreux, ravins profonds ou ponts de branchage fléchissants dont nous passons à pied les plus mauvais. Au village de Mussingero dont le capita devait nous renseigner la place habitée par le troupeau de buffles, nous ne trouvons personne, et nous voici en route pour les hautes herbes. Le jour entre temps s’est levé mais le ciel reste bien chargé, et des nuages blancs accrochés aux flancs des montagnes menacent à chaque instant de crever : les herbes hautes de 1 m. 20 à 1 m. 50 dans lesquelles nous pénétrons nous déversent constamment une douche glacée. Nous ne voyons aucun buffle se profiler à l’horizon, mais à 1.000 mètres environ on entend bientôt le bruit d’un troupeau d’éléphants dont nous avions croisé la trace en arrivant en tippoye. Malgré la frousse des noirs nous nous en approchons : nous sommes in « open forest » et voyons assez loin devant nous ; nous grimpons sur un tronc d’arbre et le spectacle se déroule à nos pieds ; au bord de la forêt se trouve une bordure de hauts papyrus, puis le marais ; on entend le barrit des éléphants, les boules chevelues des papyrus ondoient ; le troupeau a dû y entrer, et bientôt de là où nous sommes nous voyons défiler six à huit grosses masses grises : une plus grosse et très noire retient mon attention, mais je n’en vois pas les défenses ; les noirs qui m’accompagnent prétendent qu’elles sont longues comme leur canne, donc environ 0 m. 60, ce qui ne serait pas énorme. C’est peut-être une femelle. Après celle-ci un intervalle d’un bon moment, puis je vois surgir un énorme éléphant mais sans défenses me semble-t-il, donc encore une femelle. Nouvel intervalle, puis un jeune paraît, la trompe en l’air cherchant le vent et semblant s’amuser tout seul. Comme il vagabonde, il est possible qu’il nous voie et que par exubérance il va se diriger vers nous pour nous charger.