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les pirates de la mer rouge

— Il dit que les femmes n’ont point de barbe et que les hommes n’ont point de voiles. Sidi, moi je t’assure que ces gens sont des Djeheïnes.

— C’est possible.

— Nous y veillerons, Sidi.

— C’est tout ce que nous pouvons faire, Halef. Éloigne-toi un peu pour l’instant, afin de n’avoir pas l’air de comploter avec ton maître. »

Je m’assis sur mon tapis, et me mis à écrire mon journal ; mais je ne perdais pas des yeux les nouveaux venus. Je ne sais quelle vague appréhension m’avertissait d’un événement désagréable. Il se passa cependant plusieurs heures sans que mes pressentiments se justifiassent le moins du monde.

Le soir, nous jetâmes l’ancre dans le petit golfe de Nayazat, qui affecte la forme d’un fer à cheval, à la base d’une des montagnes de la chaîne du Sinaï. La plage est extrêmement resserrée à cet endroit ; en quelques pas, on peut atteindre les blocs escarpés de la montagne, dont le sommet pyramidal s’élève jusqu’au ciel.

Je me demandai si notre navire se trouvait bien abrité contre le vent et contre d’autres dangers, mais je n’avais rien à objecter au patron sur le choix de la place. Nos matelots descendirent, allumèrent un grand feu sur la rive, suivant leur habitude. J’aurais voulu explorer un peu les rochers. La nuit tombait déjà, je fus obligé de renoncer à mon expédition.

Bientôt la prière du soir retentit, répétée par l’écho de la montagne, et annonça notre présence aux environs ; du reste, le feu du rivage l’eût trahie sans ces bruyantes invocations.

Comme la veille, je préférai passer la nuit sur le navire ; il fut convenu avec Halef que nous veillerions chacun à notre tour. Dans la soirée, quelques matelots vinrent monter leur garde devant la porte du trésor. Un peu plus tard, les deux femmes sortirent de la cabine pour prendre l’air sur le pont. Je remarquai, à la demi-lueur de la nuit, si transparente en Orient, que le voile des voyageuses était cette fois d’une épaisseur à défier tous les regards. Les inconnues ne restèrent pas longtemps dehors ; la porte de la cabine se referma sur elles sans que ma curiosité eût pu se satisfaire par la moindre découverte. Halef dormait près de moi. Vers minuit, je l’éveillai.