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les pirates de la mer rouge

— Oui.

— Ignores-tu que cette mer renferme beaucoup de requins ? Ils te dévoreraient.

— Je ne l’ignore pas.

— Je te ferai étroitement garder. L’homme que tu vois près de moi est ton ennemi, tu l’as offensé ; il ne te quittera pas des yeux jusqu’à ce que tu sois libre ou mort.

— Et dans ces deux cas, qu’arriverait-il à mon domestique ?

— Rien de fâcheux. Il a commis, il est vrai, un grand péché en servant un infidèle, mais il n’est ni Turc ni giaour ; il sera libre en même temps que toi, et si tu mourais il serait libre aussi. Maintenant reste sur le pont si cela te plaît, mais tiens-toi prêt à obéir au moindre commandement de ton gardien, quand il voudra te faire descendre pour t’enfermer dans ta cabine. »

Àbou Seïf me tourna le dos, et je restai sous la garde de l’Arabe. Je pus me promener de long en large ou m’asseoir sur une couverture ; l’Arabe ne me quittait pas plus que mon ombre, il était toujours à cinq pas de moi. Du reste, l’équipage ne paraissait pas même s’apercevoir de ma présence ; personne ne m’approchait ni ne me parlait. On m’apportait en silence ma provision d’eau, de dattes et de couscous.

Dès qu’une voile était signalée dans le lointain, mon gardien se hâtait de me faire descendre dans ma cabine ; il se postait devant la porte jusqu’à ce qu’il jugeât à propos de me permettre de remonter ; la nuit on m’enfermait au verrou et on barricadait ma porte avec toutes sortes de meubles, de caisses et d’ustensiles.

Trois jours se passèrent ainsi. J’étais très inquiet sur le sort de Halef ; tous mes efforts pour parvenir jusqu’à lui restaient infructueux.

Il devait comme moi se trouver dans l’entrepont ; mais multiplier mes tentatives eût été aussi dangereux pour mon fidèle compagnon que pour moi : je le compris et dus me résigner.

Nous arrivions près des rives qui s’étendent entre le Djebel Eyoud et le Djebel Kelaya ; la plage est en cet endroit très plate et très basse. Je me distrayais en contemplant le paysage, quand, au moment où le crépuscule commençait à voiler le rivage, je remarquai dans le fond de l’horizon, vers le nord, un léger nuage, ce qui est une rareté dans ces climats. Abou Seïd semblait inquiet ; il ne quittait point des yeux ce point du ciel. La