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les pirates de la mer rouge


par les trous de ma cabine, que le ciel s’éclaircissait ; le péril avait cessé. Je m’endormis, l’esprit presque tranquille. L’espoir me revenait au cœur.

Lorsque je m’éveillai, le vaisseau se trouvait à l’ancre, ma porte était ouverte, et mon gardien me permit de monter sur le pont. Il n’y avait plus de traces de la tempête ; nous stationnions dans un petit golfe fort enfoncé dans les terres. Les voiles étaient enlevées, les mâts démontés, de façon qu’on ne pût nous apercevoir de loin. Le rivage semblait d’ailleurs inhabité et désert.

Je restai jusqu’à midi sur le pont, sans rien remarquer d’extraordinaire. Après la prière, Abou Seïf me fit appeler dans sa cabine. Je vis qu’on avait pendu mes armes à la cloison, comme un trophée ; il y avait là aussi, tout autour, les caisses enlevées du sambouk et plusieurs autres que les Arabes nomment ketihikis. Ces outres ou bourses, faites de peaux de chèvre, dont le poil reste en dehors, servent à renfermer la poudre. Une grande armoire était ouverte au fond de la cabine. Abou Seïf la referma promptement à mon approche ; j’eus cependant le temps d’apercevoir les sacs de toile dont elle était remplie. Le forban fit quelques pas vers moi.

« J’ai à te parler, Nemsi, me dit-il.

— Parle.

— Es-tu disposé maintenant à me donner ta parole que tu ne chercheras point à t’évader ?

— Je ne suis pas un menteur, je ne puis te promettre ce que je ne tiendrais pas si je trouvais l’occasion bonne.

— Tu ne trouveras pas d’occasion semblable ; mais tu me forces à me montrer plus sévère que je ne l’aurais voulu. Je vais m’absenter pendant deux jours ; on t’enfermera dans ta cabine, et tu auras les mains liées jusqu’à mon retour.

— C’est dur.

— Oui, mais tu en es la cause.

— Eh bien ! je me résignerai à mon sort.

— Va ! Fais-y attention, j’ai ordonné de te tuer à la moindre tentative de fuite, au moindre essai tenté pour te débarrasser de tes liens. Si tu avais été un fidèle croyant, je t’eusse demandé ton amitié ; tu es un giaour, et malgré cela je ne te hais ni ne te méprise. Si tu m’avais donné ta parole, j’y aurais cru, et te laisserais libre en mon absence ; tu refuses, il faut que tu subisses