Page:Mercure de France, t. 77, n° 278, 16 janvier 1909.djvu/93

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LES SOUTIENS DE L’ORDRE — Je ne vois point, dit-il, pourquoi ces de La Musardière auraient un prêtre pour eux seuls. D ’ailleurs, j ’ai à diverses reprises compris que cette vie mondaine ne vous plaisait pas. Les de La Musardière sont, certes,’aimablesmais ils justifient, malheureusement, bien des critiques,touchant la noblesse. Le soir, M . de La Musardière, à son retour de Vince, se montra tout heureux de l’accueil de Monseigneur ; mais l’évê- que n’en était pas moins demeuré inébranlable. — Monseigneur Saint-Eloy, dit-il, juge que nous ne pre­ nons pas assez contact avec la population de Beauséjour. Il est persuadé que notre action serait plus efficace, si l’on nous voyait davantage. 11 pense que M. l ’abbé Picquenet, dont il connaît les idées, nous sera d ’un utile secours dans notre œu­ vre politique. La comtesse n’en fit pas moins la grimace; elle tenait aux prérogatives. Ce lui serait une humiliation de ne plus pos­ séder son aumônier, bien qu’elle jugeât Picquenet un imbé­ cile. Elle manifesta, par contre, une joie orgueilleuse, en apprenant que Monseigneur viendrait bénir le mariage de sa fille. — S’il se célèbre à l’église du village, dit le comte, nous y gagnerons,du moins, de pouvoir faire assister à la cérémonie un plus grand nombre d’invités que dans la chapelle. Et voilà qui consolait M“6 de La Musardière. XV Un matin, quelques jours avant le mariage de sa sœur, M11* Lucile de La Musardière constata qu’elle était enceinte. Depuis plusieurs semaines, déjà, elle croyait s’apercevoir de cette situation nouvelle. D ’abord, elle n’y avaitpasvoulu croire, bien que certains signes eussent dû l’empêcher d’avoir aucun doute à cet égard ; mais sa naïveté était profonde, touchant les conséquences des choses de l’amour. Maintenant, elle ne pouvait plus douter. Elle en devint stupide. Il lui sembla que le parquet manquait sous ses pas. Elle se laissa choir dans un fauteuil, et, la tête dans les mains, demeura longtemps à sangloter. Les yeux gonflés et rougis par les larmes, elle entrevit pour elle un avenir déshonoré et lamentable. Elle se dit que, dans quelques semaines, il lui serait impossible de dissim ulera ses parents,une situation toujours sans agré­