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introduction

donner pénitence. La théologie et les auteurs nous montrent dans la loi du Rédempteur quelle justice on doit faire d’un traître. On doit l’écarteler avec des chevaux, le brûler sur le bûcher, et là où sa cendre tombe il ne croît plus d’herbe et le labour reste inutile ; les arbres, la verdure y dépérissent » (§ 520). L’ermite croit exprimer des idées chrétiennes : il exprime surtout les idées féodales. Il semble presque légitime de tuer, même en temps de paix, même en trahison, un ennemi. Lorsque le vieux duc Thierri est revenu de l’exil imposé par Girart comme l’une des conditions de la paix, Boson et ses frères le tuent, à une fête de Pâques (§§ 201 et suiv.). L’acte est si évidemment criminel que le poète ne l’excuse pas ; mais il est remarquable que lorsque Girart est accusé par le roi d’avoir été de connivence avec Boson, il se borne à repousser strictement l’accusation et à déclarer qu’il n’a pas donné asile à Boson, mais il se garde bien de renier son cousin : celui-ci est à Roussillon, à la cour de Girart, au moment où se présente le messager qui apporte la sommation du roi (§ 269). L’assassinat de Thierri n’empêche pas le meurtrier d’être réputé « le meilleur chevalier qui fût jamais » (§ 672). Le droit de vengeance qu’a exercé Boson à l’égard de Thierri, droit si contraire à toute morale et à toute police, est l’un des points sur lesquels, pendant tout l’ancien moyen âge, les idées germaniques ont réussi à tenir en échec les idées chrétiennes.

On avait pourtant l’idée vague que ces guerres sans fin qui s’engendraient l’une l’autre en suscitant sans cesse de nouveaux motifs de vengeance, étaient chose mauvaise. Le clergé, d’ailleurs, s’entremettait pour les faire cesser, on le voit surtout par la fin du poème. De là, ce