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girart de roussillon

Sicaire[1] ! dès lors je t’aiderai, moi et mes frères. Fol est Charles Martel, notre empereur, s’il vous pense rogner votre terre. »

96. Don Amadieu se leva ; le plus grand chevalier était petit à côté de lui ; « Girart, crois-en ton neveu Fouque, car si Charles passe de ce côté avec les siens, il dévastera la terre et les fiefs d’autrui. » Et Girart répondit : « Que Dieu me damne si le roi reçoit de moi chartre ou bref ! Là n’iront de ma part messager ni courrier, que d’abord j’aie combattu avec lui et avec les siens. Je le rendrai recréant tout vif, le païen[2], et cinq cent mille hommes videront les étriers. Et si je ne tiens pas ma parole, je ne suis qu’un juif[3] ! »

97. Don Boson donna un conseil de jeune homme. Il se tourna plein de colère vers Girart : « Sire, n’écoutez pas ces donneurs d’avis qui ont des terres franches et ne songent qu’à mettre leurs richesses en lieu sûr. Si vous les croyez, vous serez déshonoré. Mais ne fussions-nous que vous et moi, avec nos hommes, nous combattrons Charles par les plaines herbues jusqu’à la défaite du roi

  1. Sicarius ou Sicharius est le nom d’un saint du Périgord (Bolland., 2 mai). Par suite, le nom de saint Sicaire, anciennement Sant Sicari, est porté par plusieurs lieux de la Dordogne (voir le Dictionnaire topographique de ce département par M. de Gourgues). Un autre Sicarius fut évêque de Lyon, et fut également canonisé (Bolland., 26 mars). C’est plus probablement ce dernier qui est invoqué ici. Remarquons que la forme Sicaire, ici assurée par la rime, est plutôt française que provençale.
  2. Li chenelieus Oxf, ; lo canineus P. (v. 919) ; ce mot, employé ici et au v. 6416 comme injure, désigne, dans Rolant et dans plusieurs de nos anciens poëmes, un peuple païen. C’est le latin Chananœus ; voir sur ce nom une petite dissertation dans la Romania, VII, 441-4.
  3. Formule d’imprécation qui, au rapport de Guill. de Puylaurens, était d’un usage ordinaire dans le Midi : « Unde, sicut dicitur mallem esse judæus, sic dicebatur mallem esse capellanus..... » (Recueil des Histor. de France, XIX, 194.)